D’Abidjan à Ambazac, Tatiana Rojo fait rigoler les Francophonies

Une heure et demie de rires : des rires légers et graves, africains et européens, de soi-même, sur et avec les autres… « Amou Tati, la Dame de fer » est un solo d’humour africain sur les manies des Blancs et qui rencontre son public pour partager des moments exquis et plein de tendresse. Née au Havre, fille d’un Gabonais et d’une Ivoirienne, la comédienne Tatiana Rojo, retournée à l’âge de six ans en Côte d’Ivoire, connaît le choc des cultures depuis sa naissance. Le grand public l’a découverte l’année dernière au cinéma avec « Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ». Aux Francophonies en Limousin, elle campe à merveille une mère courage africaine qui nous adopte volontiers et on est heureux de faire désormais partie de sa famille. Entretien.


RFI : Aux Francophonies, le public vous accueille comme une vraie star, avec des applaudissements de tonnerre et de demandes d’autographe après le spectacle.

Tatiana Rojo : Oui, hier les gens sont venus pour des autographes (rires), mais je ne suis quand même pas une star internationale (rires). Je pense que le spectacle les touche énormément. C’est vrai, j’ai tourné quelques films qui ont marché pas mal comme Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu [où elle joue le rôle de Viviane Koffi, la sÅ“ur de Charles, ndlr] vu par douze millions de spectateurs. Donc ils viennent aussi pour cela. Mais j’étais surprise des demandes d’autographes et des applaudissements après que je rende hommage à ma mère. Les gens sont touchés et c’est pour cela qu’il y a tant d’engouements.

Parce que La Dame de fer, c’est votre mère, décédée il y a deux ans. Est-ce elle qui vous a transmis le don de l’humour ?

Oui. Je suis née au Havre où j’habitais jusqu’à l’âge de 6 ans. Après on est rentré en Côte d’Ivoire, à San-Pédro, une ville dans le sud-ouest de la Côte d’Ivoire. Ici en France, je ne voyais pas ma mère sourire. Et quand je l’ai vue rentrer en Côte d’Ivoire avec mes quatre sÅ“urs et moi, j’ai trouvé une autre femme, super épanouie. Moi, qui étais la seule Noire au Havre, je me suis trouvée tout de suite avec plein d’Africains autour de moi. J’étais en admiration en face de cette joie de vivre qu’ils avaient. J’ai vu ma mère rire, sortir de vannes à la longueur de journée. Et là je me suis dit : je veux être comédienne.

Dans le spectacle, vous parlez beaucoup d’Afrique et d’Europe, ici, dans cette petite salle polyvalente à Ambazac, une ville de 5 000 habitants dans le Limousin, vous nous transportez sur un marché à Abidjan… L’humour est-il universel comme la musique ?

Exactement. Quand je suis arrivée hier à Eymoutiers [également dans le Limousin, ndlr], je me suis dit : oh là là… Est-ce que les gens vont entrer dans mon histoire ? Parce ce que cela se passe sur le grand marché d’Adjamé à Abidjan, à des milliers de kilomètres d’ici, avec une vendeuse d’aubergines et de manioc. À un moment, j’avais un doute, je me suis dit, mon Dieu, je vais me prendre un râteau. Mais les gens étaient vraiment en connivence avec moi. Ils m’ont porté. Quand on touche les émotions, les émotions n’ont pas de couleur… Donc tout le monde s’y plonge.

« Pour l’homme, la femme, c’est comme le café. Au début, ça l’excite, après ça le rend nerveux… ». Cette phrase de votre spectacle, est-ce une preuve que les hommes aussi sont partout un peu pareils ?

Je pense que oui (rires). Et comme dit La Dame de fer : « Mieux vaut pleurer dans une voiture que sur une bicyclette. » Les réalités sont différentes, mais les gens rient, parce qu’ils voient une vérité qui s’adapte à un continent. On sèche son linge là où le soleil brille. Pour l’instant, cela brille de l’autre côté, donc elle reste là-bas jusqu’à cela brillera de l’autre côté. Et cela brillera. C’était un message d’espoir que je voulais faire passer en écrivant ce spectacle.

Qu’est-ce qui avait déclenché l’idée d’écrire cette comédie ?

Déjà, je ne me retrouvais pas forcément dans tous les personnages que je retrouvais dans le cinéma ou dans le théâtre en France. Je voulais une Afrique plus dynamique. Un soir, je suis montée sur scène. J’en avais marre que le téléphone ne sonnait pas et que les rôles ne venaient pas. Alors, j’ai dit que je vais imiter ma mère, parce que je trouve que ma mère était originale et authentique. Grâce à ce spectacle que je faisais en 2009, c’était le 14 février, le jour du Saint Valentin, j’étais face à un public difficile, un public ivoirien, parce que nul n’est prophète chez soi et pour faire rire les Ivoiriens en France, il faut se lever de bonne heure… mais ils étaient tous contents. Alors je me suis dit : wow, il y a quelque chose à développer. Grâce à ce spectacle, cela a déboulé sur plein d’autres films et projets. Dans ce solo d'humour, il y a une quinzaine de personnages et des chocs de culture. Les gens sont friands de cela, parce qu’ils ont une fenêtre ouverte sur un autre continent qu’ils ne connaissent pas. C’est ce qui est bien dans le Festival des Francophonies, ce rêve, ces continents qu’on ne connaît pas et qui arrivent chez eux.
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